Qu’est-ce au juste un marae ? Un « maraé » est l’espace dédié aux activités sociales, spirituelles et politiques dans la société polynésienne précoloniale. Il est l’équivalent du temple, à la différence qu’il s’agit d’un espace ouvert sur la nature.
Il se compose le plus souvent d’une cour rectangulaire, recouverte de pavés en pierre basaltique, et que délimite un mur d’enceinte, en maçonnerie ou en bambous. Cette limite symbolique concentre la puissance du mana dans l’espace du sanctuaire, où sont disposées les pierres dressées ofa’ i turui, les stèles totémiques unu et les idoles to’o et ti’i dépositaires de la force. Le mana constitue dans la tradition précoloniale la force supérieure présente dans la nature. Des arbres sacrés intègrent parfois la composition hiératique du marae. À l’extrémité de la cour se dresse une construction en dur surélevée, l’autel ; la partie la plus noble du marae. À l’extérieur de l’enceinte se trouvent des farés qui servent, entre autres, à loger les gardiens du temple et à abriter les artefacts cultuels ainsi que les pirogues des divinités.
Pourquoi réintroduire le marae ? Parce que la vie culturelle qui s’y déployait avait une incidence positive sur l’environnement et le bonheur social. Ce lien de réciprocité entre culture et nature a été rompu en Occident, mais de plus en plus de chercheurs, spécialisés dans tous les domaines des sciences humaines et sociales et des sciences de la nature, renouent progressivement avec ce lien, notamment au sein de l’université de la Polynésie française (UPF). La plupart des recherches consacrées à l’insularité et au changement climatique tiennent compte de la propension significative des pratiques ancestrales à préserver la biodiversité, et à conduire les mondes polynésiens vers une transition environnementale harmonieuse. Le projet que porte Lorely fait appel aux différents travaux et expérimentations en cours au sein des unités de recherche de l’UPF.
La mise en place des rāhui en est l’un des aspects les plus novateurs. Issu de la société polynésienne précoloniale, le rāhui est un système de jachère traditionnel. Il consiste en une interdiction temporaire, plus ou moins longue, s’appliquant à un territoire ou à une ressource naturelle, comme le poisson. Cette notion a été réintroduite avec succès et s’applique aujourd’hui à des tenures marines situées à Tahiti, Moorea et Fakarava.
Or, il se trouve que le rāhui est intimement lié au marae. L’instauration comme la levée du rāhui sont censées s’y dérouler, lors de cérémonies traditionnelles. Au risque de voir la dynamique des rāhui s’épuiser, il serait indispensable de rapprocher ces tenures marines des marae.
Tous les chemins mènent au temple
L’enjeu de notre projet réside dans la valorisation d’un modèle de transition écologique efficient, d’un cercle vertueux entre cultures locales et préservation des écosystèmes. Le marae est un rouage essentiel de cet équilibre.
L’avantage du rāhui repose dans le fait qu’il émane des principaux intéressés. L’interdit trouve son origine dans une vision culturelle valorisante de l’environnement. Les locaux, qu’ils soient pêcheurs ou non, font appel aux savoirs traditionnels et décident d’un commun accord d’établir sur une zone, marine ou terrestre, un rāhui. Cette décision devant être proclamée et célébrée au sein d’un marae, il est primordial d’opérer ce rapprochement rāhui–marae ; en faisant en sorte que les locaux puissent réinvestir cet espace culturel.
Le marae s’avère un espace symbolique, le trait d’union entre l’être humain et la nature, un lieu chargé d’une forte historicité à même de contribuer à la transition environnementale des écosystèmes polynésiens. Cette réappropriation des marae est une étape cruciale. Elle déclencherait une dynamique positive qui pourrait en inspirer d’autres, peut-être même en métropole, et ouvrir plus largement de nouvelles perspectives de recherche.
Notre mission consisterait donc dans l’organisation d’une cérémonie traditionnelle au sein d’un marae, et ce dans le cadre spécifique du rāhui.
Parer au plus urgent en secourant les populations victimes du réchauffement climatique et des modes de vie occidentalisés est une tâche humaine fondamentale. Mais remédier définitivement à ces bouleversements dramatiques exige parallèlement de traiter le mal à la racine. Telle est notre vocation scientifique.
Votre soutien dans ce projet est déterminant. Sans vos dons il serait impossible de mener à bien cette mission, dont nous savons qu’elle peut concourir au bien-être humain et à la sauvegarde de la nature. Nous pouvons grâce aux savoirs traditionnels contribuer à un monde meilleur.